Photo de couverture

Baignade Interdite #8 | Par ici la nostalgie

Nous vous en avions parlé en amont, nous étions impatients de découvrir ce festival, dont l'existence résonne particulièrement fort dans le sud ouest de la France. De Bordeaux à l'Ariège en passant par Toulouse jusqu'au Tarn où il s'est implanté (Rivières, à côté de Gaillac), Baignade Interdite s'est fait une belle réputation. Les passionnés tout autant que les curieux s'y rendent apparemment en nombre. Nous le constaterons par la suite. 

Premiers pas sur Rivières

Nous arrivons donc sur le site jeudi 29 août quelques heures avant la première soirée du festival, accompagnés d'un ami équipé de son argentique et d'une décontraction à toute épreuve, soit une seule pellicule - périmée - pour quatre jours de festival. Une "contrainte artistique" que nous ne jugeons absolument pas, nous qui rédigeons ce report une éternité après les festivités. Les pellicules, c'est cher, on a les potes qu'on mérite, et on les aime (ces photos).

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Coucou Baignade Interdite

En attendant les premiers concerts, nous avons le temps de faire un petit tour du site. A première vue, l'impression de simplicité prédomine, pour le tape à l'œil il faudra passer son chemin : un bras de Tarn laissant la place à un petit port de loisirs bordant un lotissement, quelques barques et pédalos, un restaurant. Puis, à une centaine de mètres en haut d'une pente herbeuse, le site du festival (que nous pénétrerons plus tard) jouxté à l'extérieur par un bar / cantine / QG des festivaliers et des orgas. Avec une grande terrasse sous les arbres, élue par nos soins meilleur spot pour l'apéro du festival. 

Juste en face du bar, le camping, dont une partie était réservée au public de Baignade, qui pouvait apprécier le confort de ses installations 100 % CAMPING : bar, piscine, terrain de boule, trampolines (ouep)... une ambiance 100% FAMILLE VACANCE tout à fait appréciable, pour un maximum de détente (100%) avant la rentrée. 

Nous n'avons pas de photos de tout cela. On a les potes qu'on mérite, et on les aime BIS.

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Coucou le Bar

Arrive l'heure de débarquer sur le spot du festival. On est tout de suite charmé par cette ancienne base de loisir "abandonnée", dont la principale particularité est de proposer des bassins vides, où se dérouleront de nombreux concerts. Ceux-ci n'ouvriront que le lendemain, cette petite soirée apéritive se déroulera uniquement sur la scène du chapiteau. 

Deux groupes vont s'enchaîner. ŠIROM et leur folk étrange aux douces cavalcades en apparence hasardeuses, introduira parfaitement notre entrée dans le monde de Baignade Interdite, fait de propositions musicales qui déplacent, déroutent et caressent, dans tous les sens, du poil au vent en passant par de nombreuses cordes. Nous avions oublié de retirer (pas de machine à CB sur le site), le petit tour en voiture qui suivra pour aller jusqu'au bled le plus proche nous fera manquer le gros du concert. La suite fût courte mais intense avec le duo Humbros, machines et batterie se faisant face, communicants via des pulsations organiques pour une transe de début de soirée plutôt sympathique. Qui terminera tôt, mais tant mieux, car une bonne nuit de sommeil ne fait jamais de mal, surtout en début de festival.

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ŠIROM
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Humbros

Nous prendrons tout de même le temps de constater notre alcoolisme via des petits godets que l'on s'enverra finalement en compagnie de quelques habitués, sur le parking. La majorité du public n'est pas encore arrivé, mais l'ambiance conviviale, attentive et déconneuse que l'on retrouvera tout du long est déjà palpable. 

Dans le très vif putain de sujet

Pénétrons ensemble dans le cœur chaud du festival : le vendredi et le samedi. C'est ici que le récit de cette Baignade Interdite interrompt sa tentative de déroulé chronologique. Déjà parce-que c'est lassant, on est d'accord avec vous. Mais aussi parce-que ces deux jours furent pour nous une sorte de partouze sensorielle dont on garde une impression de plénitude qu'il nous serait difficile de vous conter dans l'ordre. On vous laisse donc avec ces quelques moments plus ou moins précis, qui flottent encore à la surface de notre nostalgie. 

On se rappelle tout d'abord de Seward, formation rock barcelonaise aux structures éclatées et à l'émotion débordante. Une musique dont la section rythmique en décalage perpétuel n'a pas empêché le public, au début assis lors d'une introduction "le calme avant la tempête", de rapidement se lever pour se coller furieusement au groupe, durant tout le concert. Une tension électrique dont les quelques roseaux sauvages laissés volontairement en plein milieu du bassin ont un peu fais les frais. 

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Seward dans le petit bassin

Autre moment fort : le bordel jouissif généré par Snapped Ankles, une de nos grosses claques du festival. Déguisés en hommes sauvages qui reviendraient d'une cérémonie païenne un peu douteuse, les anglais ont envoyé une sorte de kraut punk à l'énergie très british et foutraque. Un son sec bien efficace augmenté par une scénographie prenante, qui a rapidement provoqué la houle dans le grand bassin.

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Snapped Ankles dans le grand bassin

On conseille d'ailleurs à tous les amateurs de musique qui défonce de se jeter sur leur deuxième album, Stunning Luxury, sorti cette année, dont on ne peut s'empêcher de vous foutre un morceau ici :

Tailpipe by Snapped Ankles - Music from The state51 Conspiracy
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Why The Eyes dans le grand bassin

Le concert des anglais Vanishing Twin fut également mémorable. Un groove précis, des mélodies cultivées et une classe délicate qui nous a collé le sourire au cerveau, tout du long.  

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Vanishing Twin dans le grand bassin

On se revoit assis sur un des rebords du grand bassin, particulièrement happés par la grâce étrange de Cathy Lucas et d'Elliott Arndt, sorte d'homme à tout faire semblant sortir d'un film de Kubrick. Une pop perfectionniste parfois proche de la musique d'illustration, qui a en tout cas illustré divinement nos divagations, allez retours entre un ciel songeur d'avant crépuscule, un groupe à l'aura décidément particulière et un bassin de piscine transformé en salle de concert à l'air libre.

Un de nos plus vif souvenir est la douceur intense que nous avons ressentis devant un orchestre venu du nord rassemblé autour du norvégien Kym Mhyr, expérimentateur chevronné désormais habitué du festival (il était déjà à l'affiche de  l'édition 2016). Pour nous, l'exemple parfait de moments musicaux inattendus et hors du temps que nous avons vécus lors de ce festival. Un enchevêtrement merveilleux de bruits et de mélodies répétitives qui nous a mis dans un état de relaxation intense, mais aussi d'excitation lors de puissantes et longues montées bienveillantes.

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Kym Mhyr et son orchestre, dans le petit bassin

On se souvient avoir été complètement absorbés par le solo batterie - voix de Guilhem MEIER​​ aka LFANT. Une certaine huile cannabique prodigué par surprise par un "amis d'amis", a terminé de nous faire pénétrer autant dans le sol où nous étions allongés, que dans cette performance étonnante.

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LFANT sous le chapiteau

Le festival proposait aussi quelques concerts et installations hors du site, dont le moment le plus marquant pour nous fût ce samedi midi, lorsque nous sommes montés dans une barque pour partir en ballade sur le Tarn, accompagnés de l'américain Eugene Chadbourne.

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Eugene Chadbourne sur un bateau

Eugene Chadbourne, sa guitare acoustique et sa folk désarticulée pas du tout évidente, mais dont les rugueux accords accompagnèrent tendrement les dérives du bateau, moteur coupé, au milieu de la rivière silencieuse. 

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Eugene Chadbourne dans les nuages

On se souvient aussi d'avoir été très heureux de voir enfin ZU, ce groupe instrumental ultra culte entre jazz, noise et métal (pour résumer). On se revoit transpirer dans la fosse avec un public partagé entre l'appréciation attentive et le cassage de nuque vénère. Les courtes déflagrations et changement de rythmes incessant ont terminé de rendre complètement zinzin une bonne moitié du grand bassin. Il s'agit aussi pour nous du dernier concert du festival, et de nos dernières forces jetées dans la bataille.

On se souvient de multiples échanges avec des gens enthousiastes, passionnés ou simples curieux, qui nous racontaient les moments forts des précédentes éditions.

On se souvient parfaitement du spot et de l'alternance fluide entre les différentes scènes, et de s'être dit que c'était vraiment cool, les concerts dans des piscines vides. En effet, l'acoustique y est agréablement concentrée, et permet au public de varier les situations d'écoute.

On se souvient d'avoir enfin trouvé le "P quaaaaaatre". Cris de ralliement débile et surtout after non officiel sur le parking le plus éloigné du festival, où des camions installés balançaient du son pour ceux qui ne voulaient pas aller se coucher les plus bourrés d'entre nous. 

On se souvient d'une organisation familiale à la cool, et de bénévoles sympathiques, heureux de partager cet événement.

On se souvient d'une cuisine maison et de boissons locales, ce qui fait toujours plaisir. 

On se souvient s'être sentis bien loin des gros machins sponsorisés par des marques, et aussi un peu connement, mais surement, en osmose avec tous ces moments. 

Dimanche, absence subie, retour rempli

On doit malheureusement se barrer prendre un train, on laisse le poto à l'appareil photo faire encore quelques prises des concerts de Société Etrange, Gaspard Claus et du finish avec la guitariste américaine Marisa Anderson devant le barrage EDF de Rivières. Apparemment c'était "doux et planant". On n'en doute pas. On est même un peu triste d'avoir loupé ça.

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Marisa Anderson, devant le barrage EDF de Rivière.

Comme prévu, la programmation de cette édition a fait tout ce qu'elle pouvait pour empêcher de la ranger quelque part, et oui, même dans une case. Des musiques inclassables mais souvent chaleureuses et familières, humaines dans tous leurs aspects (même lors qu'il s'agira de techno). On a particulièrement apprécié l'enchaînement des concerts (jamais deux en même temps), et l'expérience à la fois confortable et un brin déboussolante proposée.

Fin de ce report, un peu longuet c'est vrai. Mais il faut parfois savoir rendre hommage à ces moments éphémères, comme la vie (ouai !), dont l'authenticité et la générosité ne nous semble pas anodine, et méritent parfois d'être racontés. Cheers.

Photograhies par Frédéric Devaux.

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Jean "Boris" Calin, le shlag salé
Jean Calin
Rédac-chef pas vraiment hyperactif mais tout même assez fidèle à ses principes, comme ne pas utiliser la première personne pour éviter de paraître autocentré, même s’il a parfaitement conscience qu’écrire une mini biographie à la troisième est encore pire. Tout comme on observerait un écureuil une après-midi d’automne, vous pourrez le retrouver régulièrement sur ce site en train de gratter frénétiquement son obsession pour la musique qui procure des émotions un peu tristes, du genre LA MELANCOLIE. PS : il galère à ne pas placer ce mot un peu partout. SVP, aidez-le.

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