
Salut les gars. Alors déja, pouvez-vous nous parler de la naissance du label ? Comment ça s'est fait ?
Tushen Raï : Hard Fist records n'est pas un premier projet, en réalité, on a monté ce label avec une grosse partie de l'équipe de Art Feast, une association Lyonnaise active depuis 10 ans dans l'organisation d'événements, mais aussi un label house à qui on doit nos premières galettes en vinyle. La volonté de monter Hard Fist découle du rapprochement de Cornelius Doctor et moi-même autour de notre émission Ride The Rhythm sur Nova Lyon. Une émission de radio ça te permet d'explorer des univers musicaux variés, traverser les époques, les frontières. C'est encore plus libre qu'un Dj set car la pression du dancefloor n'est pas là. On s'est rendu compte que dans le fond, tout le crew se passionnait de plus en plus pour des sons & des courants esthétiques plus freaky, en dehors des codes prédominants de la club culture House/techno.
On s'est aussi connecté à de plus en plus d'artistes émergeants à travers le monde et on s'est vite rendu compte que ces artistes se connaissaient tous, qu'ils soient russes, japonais, australiens, turcs ou colombiens. On a découvert une scène, de "niche" peut-être mais une scène passionnée, solidaire et activiste qui ensemble fait résonner de nouvelles perceptions de la musique de dance. Hard Fist, c'est notre contribution à cette communauté, à cette scène, on voulait faire partie de cette histoire là.
Pourquoi lui avoir donné ce nom ?
Cornelius Doctor : Ce nom est bien un dérivé du nom de Art Feast notre premier label, entre idée révolutionnaire et jeu de mot vaseux, c'est en tout cas un nom qui ne laisse pas indifférent et ca nous plait. Il traduit parfaitement le grand écart entre les soirées que l'on organise dans des clubs et celles dans des caves graveleuses de sex shop. Le coeur libre et les points serrés !
Quel est son ADN ?
Tushen Raï : Il est multiple. Hard Fist est un batard, un croisement de plusieurs sangs. On a un aspect vraiment Dark Disco / Cosmic / Acid avec des influences New wave / Electro. Ca vient surement du fait qu'on a beaucoup écouté de rock plus jeune, de Christophe à Bowie ; de D.A.F à Tom Tom Club, et que même si elle est moins active que fut un temps, on reste à l'affut des nouveaux groupes de cette scène (Pardon moi, Junto Club, Il est Vilaine, Vox Low, etc). D'un autre côté, on a ce côté "global", "multi culti", cette attachement particulier aux sons non-occidentaux, aux musiques folkloriques de trance, celles des rassemblement spirituelles et des rites de fête. On aime les poly-rythmies des musiques arabes, africaines, indiennes, on aime les demi-tons des gammes mélodiques orientales, la polyphonie des chants pygmées en afrique centrale. Tout ce qui nous surprend, satisfait notre curiosité, stimule notre intelligence.
Qui est derrière le label ?
Tushen Raï : Une énergie collective. Une organisation participative. On est un petit noyau d'activiste et on fait avancer tout ça ensemble. On essaie de rester ouvert, que chacun se sente à l'aise de proposer ses idées, développer ses envies. Une organisation horizontale qu'on veut non sclérosante. On est tous des passionnés, on fait ça pour apprendre, s'épanouir, pour le plaisir de mener un projet collectif.
Cornelius Doctor : Plus concrètement, Cornelius Doctor et Tushen Raï à la direction artistique, épaulés de Romain (également fondateur de Art Feast) ainsi que toute une équipe qui nous soutient sans faille dans ce projet au niveau de la production des évènements ou de la communication : Caroline, JM, Etienne & Etienne, Aubin. On a aussi notre crew de DJ que l'on retrouve régulièrement sur nos line-up : Midnight Kisses, Sesso Mato, Warum.
Cornelius Doctor : Le lien est par nature indéfectible puisqu'il s'agit plus ou moins de la même équipe. C'est plutôt dans notre approche artistique que Hard Fist a déjà pris son envol. Musicalement, nous mettrons le label Art Feast en pause après la prochaine sortie de Jaysper mais cela restera notre structure pour organiser nos teufs sur Lyon (Terminal, Thé à la Menthe…). Hard Fist est quant à lui un label, et ce que nous représentons désormais en dehors de Lyon.
Que faites-vous exactement au sein du label ?
Tushen Raï : On est un tout jeune label, alors on fait beaucoup de choses différentes. Cornelius Doctor c'est un producteur, on a voulu commencer par sortir sa musique pour définir un peu notre identité. Aujourd'hui on bosse ensemble, il m'apprend à utiliser des machines, à penser un morceau, moi j'essaie de lui ramener des samples encore peu ou pas exploités, des trucs qui nous ressemblent. On vient de sortir notre premier track ensemble qu'on a appelé "Place du Pont" en hommage à la place de la Guillotière qui a vu défiler plusieurs générations de musiciens talentueux issues d'une migration Maghrébine (Algériens, Kabyles, Marocains…) depuis le début du XXeme siècle. On prépare un EP entier tous les deux qui devrait sortir cet été sur Hard Fist.
Cornelius Doctor : Après, notre première activité reste d'écouter de la musique, être à l'affût des nouveaux profils d'artistes qui nous plaisent dans le monde, on commence à recevoir beaucoup de démos des 4 coins du globe, Tunisie, Israel, Mexique, Corée du Sud, Japon, Allemagne, Australie, Belgique… C'est assez incroyable à quel point qu'internet peut être un outil puissant pour des micro communautés comme les nôtres. Après, il y a tout le reste, la production, la distribution qui est assuré par Chez Emile pour nos disques, la promotion, la diffusion de notre musique, les tournées.. Mais avant tout on écoute et on fait de la musique.
La sortie à venir est le Various Princes Of Abzu, pouvez-vous nous parler un peu plus des rencontres et artistes qui ont signé dessus ?
Tushen Raï : Oui, ça devrait être dans les bacs le 22 mai, et on dévoile l'EP tout doucement jusqu'à cette date avec plusieurs premières. C'est une longue histoire : on avait pour projet de faire une série (on bosse déjà sur la suite) autour du monde arabe, mais pas quelque chose de communautaire, on est des blancs becs, des babtous passionnés des sonorités des instruments traditionnels du maghreb et du moyen orient, des rythmes et gammes qui font la spécialité de ces musiques et on voulait simplement rassembler des artistes autour de cette passion commune.
Il y a quelque chose de spirituel et psychédélique dans ces musiques qui nous séduit tous, c'est ce qui lie chaque artiste à ce projet. Shadi Khries est jordanien et vit à Paris depuis de longues années, on suivait son travail, on l'a invité à jouer, et c'est vite devenu un vrai ami. Timothy Clerkin, on l'a découvert avec son tout premier EP quand il s'appelait encore Heretic, il était pas mal soutenu par Sir Andrew Weatherall. Puis on a pu le rencontrer au Sucre où il jouait pour le label et média Ransom Notes qu'on aime beaucoup, on a vu que dans ses sets il jouait pas mal de son arabisant, on en a parlé, et il nous a proposé "Akama" qu'on a tout de suite adoré. Ko Shin Moon et Simple Symmetry étaient deux duos qu'on suivait de près depuis un bout de temps, le premier est de Montreuil, le second de Moscou. On leur a fait découvrir leur musique mutuellement parce qu'on avait le sentiment que ça pouvait matcher en terme de production et que les deux duos pourraient être super complémentaires.
Simple Symmetry a adoré le premier album de Ko Shin Moon et Ko Shin Moon a adoré les EP de Simple Symmetry, alors on a lancé ce projet de track ensemble. Cet EP c'est plein d'histoire comme ça. Ça a été beaucoup de boulot, d'aller / retour, beaucoup de skype et de dropbox. Une vrai histoire de rencontre.
Vous avez récupéré la résidence au Chinois à Montreuil, à la base vous avez surtout booké des artistes signés sur le label, comment voyez-vous évoluer cette résidence ? Avez-vous d'autres résidences de prévu ?
Cornelius Doctor : La résidence au Chinois est pour nous un véritable plaisir en même temps qu'un bel enjeu. Un club comme le Chinois correspond parfaitement à l'idée que l'on se fait d'un bon club : ouvert musicalement, abordable, banlieusard, melting pot de cultures, d'origines, positif et un peu destroy. On est en train de terminer notre premier cycle de résidence avec MR TC, Bawrut, Baris K, Shadi Khries, Philou Louzolo (ce vendredi 20 avril) et les artistes du crew. On a pu explorer un beau spectre musical que l'on retrouve dans les sorties du label. On réfléchit avec le Chinois à comment poursuivre l'aventure à partir de la rentrée. A Lyon on est tous les mois au Terminal pour notre résidence.
Faites nous rêver… Quels seraient les artistes que vous aimeriez signer sur le label ?
Tushen Raï : Ce qui est fou avec ce label qui a à peine 1 an c'est qu'on se retrouve à discuter avec des artistes qu'on admire énormément et qui sont clairement les artistes avec qui on aimerait collaborer. On a des feedbacks encourageants d'artistes comme Jennifer Cardini, de Red Axes, de Gilb'r, d'Andrew Weatherhall, les gars d'Optimo ou Daniele Baldelli, on sait qu'ils jouent nos tracks. Derrière, on reçoit de plus en plus de démos, on découvre de nouveaux artistes talentueux et on a déjà des projets de release avec eux pour les mois à venir. Pour répondre à la question ce ne sont pas forcément des stars, mais à nos yeux ce sont parmi les artistes les plus excitants du moment : Jonathan Kusuma, Pletnev, Dreems, Mr TC, Lipelis, Strapontin, Khidja… Il y en a tellement ! Après, si le but c'est de rêver… Je pense que ce serait de faire un projet avec I:Cube, mais ça…
https://www.youtube.com/watch?v=oTAy0yi_phA
Et pour terminer la question tradition du limo, si vous étiez une boisson ça serait quoi ? Et si le label en était une ?
Cornelius Doctor : un Old Fashioned, jamais à la mode, jamais démodé et un classique dans le monde entier.
Tushen Raï : Le Mamajuana Dominicain, ça colle bien au label, le côté organique du bois de gaïac, le côté sombre du rhum, la singularité caractérielle du vin rouge et surtout, l'aspect occulte des pouvoirs de jouvence qu'on lui attribut.
Merci !
Retrouvez le crew Hard Fist avec Philou Louzolo ce vendredi 20 avril au Chinois (Montreuil). On vous fait gagner des places par ici :
http://limonadier.net/event/hard-fist-rec-pres-philou-louzolo/