Dans la nacelle
Ólafur Arnalds, artiste islandais de son état, est un auteur compositeur et producteur, qui du haut de ses 32 années passées parmi les êtres humains, compte déjà un nombre conséquent d'albums et de projets à son actif. Parmi eux, le projet electro Kiasmos en duo avec un certain Janus Rasmussen, qui a le don de faire planer les foules tout en leur faisant opiner du chef. Si l'on vous conseille de découvrir ce joli monde d'urgence, ce n'est en revanche pas le sujet de cet article. Non, nous allons ici nous attarder sur le dernier album en date du natif de Mosfellsbær : re:member.
12 titres de bonheur éthéré, qui ont vu le jour via le label londonien Erased Tapes, et qui ont de quoi laisser pantois. Multi-instrumentaliste d'une finesse absolue, Ólafur Arnalds nous livre ici un morceau de bravoure expérimental, fait principalement de piano(s) et de violons. Mais pas que ; au pays de Sigur Rós et de Björk, difficile de se contenter de si peu !
La destination
Les paysages lunaires d'Islande, à pied puis par la voie des airs.
C'est exactement l'image qui s'impose à nos esprits à l'écoute de la première piste (éponyme). L'artiste nous laisse entrer en douceur dans son univers à l'aide de fines touches de piano et de violons, avant que batterie et instruments à vent ne nous fasse soudainement quitter terre sur le dernier tiers du morceau. Épique et enivrant.
Après un "re:member" dont on se souviendra (#jeanblaguinlhumoriste), on poursuit notre chemin céleste avec "unfold" et la participation de SOHN. Un titre dont le début fait fatalement penser à une pub Apple, mais gagne en intensité au fil des secondes pour nous bercer d'une douce mélancolie faite de piano(s), de hautbois (?), de basses profondes et de chants féminins, comme autant de murmures d'encouragement à nos âmes éplorées éprises de liberté.
Cette mélancolie s'étend jusqu'au morceau suivant, mais d'une manière totalement différente ; tel un cocon protecteur, l'unique piano, nu, discret, nous berce alors que nos petits yeux d'êtres fragiles entre tristesse et plénitude, commencent à s'embuer en ce moment de grâce. "saman" est l'un de ces titres troublants, capables de suspendre le temps, tout en éveillant en nous une foule d'émotions. Court, intense et sublime.
Plus expérimental et flirtant même avec l'ambient, "brot" est un véritable appel à la rêverie, une plongée apaisante dans les limbes aquatiques de l'île de glace. Les violons lancinants ont quelque chose d'inquiétant et d'apaisant à la fois, comme une berceuse fantomatique venue des tréfonds de l'océan.
S'ensuit "inconsist", plus entraînant et semblable dans sa structure au tout début de l'album : batterie omniprésente, légères "pointes" de piano, violons secs puis plus mélodieux, rejoints sur le milieu du morceau par le hautbois (?), pour s'achever sur un final paisible. Un morceau qui n'est pas sans rappeler la musique de Gogo Penguin ou de Hidden Orchestra, ce qui est plutôt un gage de qualité dans ce registre.
Plus calme (autrement dit sans percussions) et proche de "unfold" dans l'esprit, "they sink" renoue avec la technique de piano utilisée par Ólafur Arnalds tout au long de ce LP : le très futuriste logiciel Stratus, permettant de faire jouer simultanément 2 pianos droits... qui génèrent automatiquement une séquence à partir d'une note choisie par le musicien sur un 3ème clavier. Et dire que l'intelligence artificielle n'en est qu'à ses balbutiements (sans parler du superbe résultat obtenu sur cette 6ème piste) !
Une alternance de titres tout aussi expérimentaux et poétiques s'enchaînent sur la seconde moitié du disque, à l'image d'"ypsilon" et "partial", plus électroniques avec leurs nappes sonores et mélodiques venant soutenir les violons, "momentary", dans la droite lignée de "saman" et de son piano dépouillé (personnes émotives, attendez-vous de nouveau à quelques larmichettes), alors qu'"undir" et "ekki ugsa" nous renvoient respectivement à "inconsist" et "they sink". Batterie, percussions électroniques, violons entêtants et piano(s) Stratus (!) ; tout est mis en oeuvre sur cette fin d'album pour nous offrir une conclusion grandiose, que le très velouté "nyepi" parvient à temporiser subtilement sur les dernières minutes. Du grand art.
Le voyage
En bonus, un aperçu de ce que donne un live de l'artiste et de ses acolytes, avec cette superbe session Tiny Desk. On y voit parfaitement les fameux pianos "automatiques" à l'oeuvre :
Si l'expérience vous a plu, il ne vous reste qu'à vous procurer le LP en vinyle ou en CD, et de cliquer ici pour voir ses prochaines dates de concert. Ça vaut le coup, croyez-nous sur parole !
Pour plus de voyages :
Musique Voyage #3 | Marc Melià – Echoes of Prophet
Musique Voyage #2 | Strië – Perpetual Journey
Musique Voyage #1 | Villeneuve & Morando feat. Vacarme – Artificial Virgins