Photo de couverture

Harmonieux comme le chaos, doux comme un Fléau

Vous êtes assis devant un écran, dont la lueur bleutée éclaire une partie de la pièce dans laquelle vous vous trouvez. Une caméra vous filme de dos, et s'approche lentement de vous. Un travelling avant étrange, inexorable trajet de cinéma souligné par un silence pesant. Vous êtes un peu raide, et ne bougez pas d'un pouce. On aperçoit vos mains, légèrement crispées sur les rebords de votre chaise. Maintenant très proche, la caméra, au lieu de s'arrêter, se rapproche de votre nuque. Et insiste en effectuant une mise au point sur votre pilosité, forêt maléfique qui se serait dressée d'un seul coup, sur la chair de votre cou. Telle une créature curieuse qui tendrait le sien, la caméra se déplace en ondulant, effleure l'écouteur planté dans votre oreille gauche, d'où l'on peut entendre pulser quelques grésillements… et continue d'avancer pour arriver sur votre écran. La seule chose que l'on aperçoit est un lecteur orange, surmonté de ces mots  : FLÉAU - I.

On comprend alors que vous êtes en train d'écouter en exclusivité dans le plus inquiétant des calmes l'intégralité du deuxième album de Fléau, intitulé II, sorti ce jeudi 29 mars sur les labels Anywave et Atelier Ciseaux. A ce moment là, l'image devient brusquement noire. Car la suite de l'histoire se déroule ailleurs désormais : dans vos oreilles.

FLEAU - II (OUT NOW) by Atelier Ciseaux Records

Et alors que vous vous laissez doucement happer par ce petit bijou de noirceur, on en profite pour poser quelques mots sur celui-ci...

Fléau est le projet solo du Bordelais Mathieu Mégemont, que l'on connait pour avoir officié dans le groupe de post métal qui déchire la nuit autant que le cœur Year of No Lightmais aussi dans les groupes VvvV, Aeroflot, AE...

Après un premier opus éponyme, intense patchwork d'ambiances gorgées de terreur nostalgique et de mélancolie héroïque, II reprend les mêmes bases, et les développe. Sur la longueur certes, mais sans oublier la profondeur. En effet, les cinq pistes de ce nouveaux disque, plus progressives, prennent le temps qu'il faut à chaque fois pour raconter leur propre histoire. Qu'ils durent 5 ou 15 minutes, les morceaux semblent toujours utiliser le temps à sa juste valeur. Et la manière dont les éléments qui les constituent sont agencés est tout simplement captivante. En effet, comme le montage d'un très bon film, les différentes couches de synthétiseurs s'ajoutent et se superposent dans un timing parfait. On se laisse donc prendre petit à petit, pour terminer complètement immergé, ailleurs.

Mais ce qui finit par nous terrasser complètement, c'est la richesse de son univers. On parle bien évidemment de toutes ces nappes synthétiques qui hurlent leur putain d'existence et nous entourent pour mieux nous souffler leurs mélodies obscures, traçant leur chemin sauvage au dessus du vide, mais aussi parfois entre des beats lourds et profonds. Pas besoin d'être barbu et de porter des petites lunettes pour décrypter ce langage : des oreilles en bon état et l'envie, même minime, de se laisser aller, suffiront. Car aussi ténébreuse et progressive qu'elle peut l'être, la musique de Fléau reste très accessible.

Et ce n'est plus un secret pour personne : celle-ci transpire un certain cinéma de genre... du genre qui fait autant flipper que planer, terreau de visions maléfiques tellement agréables. De tout ce qu'on a pu lire, et entendre, la référence principale de l'artiste est l'univers de John Carpenter, ses films, sa musique... Mais avec ce deuxième disque, on pense finalement aussi beaucoup à Stephen King ("Le Fléau" est d'ailleurs le titre d'un roman culte du maître) et son art de tenir le lecteur en haleine grâce à des personnages bien brossés, confrontés à des situations d'angoisse progressive, horrifiquement généreuses. Cette façon de concevoir la musique en tenant l'auditeur, tout en lui laissant une grande part de liberté, ne nous laisse plus de doute.  Avec ce deuxième disque, Fléau nourrit le meilleur cinéma qui existe : celui qui se déroule dans notre tête.  

Fléau - II sort en double vinyle ce jeudi 29 mars, et vous pouvez le commander via ces deux liens :

Atelier CiseauxAnywave

Sa release party aura lieu à Paris, le jeudi 17 mai au Petit Bain. Avec également Alessandro Cortini (ex Nine Inch Nails !).

Event par ici

Cheers.

Jean "Boris" Calin, le shlag salé
Jean Calin
Rédac-chef pas vraiment hyperactif mais tout même assez fidèle à ses principes, comme ne pas utiliser la première personne pour éviter de paraître autocentré, même s’il a parfaitement conscience qu’écrire une mini biographie à la troisième est encore pire. Tout comme on observerait un écureuil une après-midi d’automne, vous pourrez le retrouver régulièrement sur ce site en train de gratter frénétiquement son obsession pour la musique qui procure des émotions un peu tristes, du genre LA MELANCOLIE. PS : il galère à ne pas placer ce mot un peu partout. SVP, aidez-le.

ÇA PEUT VOUS PLAIRE