Photo de couverture

Dour c'est l'Amour - Episode 31

La "Doustalgie" se mesure le lundi matin, 10 heures, en repliant sa tente 128 secondes, à l'aune de sa dépression post festival et cet echo incessant de la veille, qui se poursuit dans nos oreilles. Le sentiment de perdre ses 50 000 copains quotidiens, qui "n'ont pas le même maillot mais ont la même passion": la musique et la fête. Le sentiment d'avoir participé au grand défouloir de notre société malade. 

Certains partagent les dernières bières chaudes sorties d'un frigo-box qui ne tient plus rien au frais depuis 3 jours. Et comme chaque année, c'est souvent en observant les campeurs à l'aube d'une année d'attente, que l'on arrive à cerner cet état l'esprit: entre ceux qui refusent que ça s'arrête, ceux qui ne veulent pas attendre une année supplémentaire. Qu'on l'appelle un microcosme, une bulle ou un territoire d'outre vie, que l'on soit jeune, plus vieux, avec une tête fatiguée ou frais comme au premier jour, tous s'accordent à dire qu'un tel festival n'a d'égal. L'Amérique latine a ses carnavals, l'Inde ses mariages sur une semaine, l'Afrique ses fêtes traditionnelles. L'Europe, elle, possède ses festoches avec comme figure de proue : le Dour festival.

Un festivalier a de commun avec un enfant son amour pour son tout nouveau joujou, dans notre cas: le GREEN CAMPING.
La solution finale a nos problèmes de "jeunes vieux bobos": des toilettes sèches (et propres), des douches chaudes (et propres), une dégustation de bières quotidienne (adorablement offerte par les brasseurs du coin) et surtout une zone de camping PROPRE!

Au vu de la multiplication des lieux de vie, offrant différents niveaux de confort mais surtout assurant une propreté (au camping comme sur le site) on peut dire que Dour a pleinement réussi son atterrissage depuis sa transformation passée.
POUCE BLEU POUR L'ORGA!

Les AVNI = Artistes Volants Non Identifiés

Il y a toujours dans un festival une série d'artistes programmés complètement WTF. Dour, ne déroge pas à la règle, avec chaque année son lot d'artistes inattendus, inclassables, surprenants.

En tête de gondole: Dj Marcelle. Figure à part depuis de nombreuses années : l'amstellodamoise a été capable d'enchaîner de la techno, de l'experimental noise, du dub et du free jazz sans aucun problème. Avec son look de tattie Janine, on peut, de prime abord, penser qu'elle écoute plus de Frédéric François que du Autechre. Si vous la découvrez à travers cet article, on vous conseille de ne pas vous arrêter aux apparences et de vous manger son set démentiel enregistré à l'édition 2018 du Dekmantel Selectors."It's a Match!"

D'Amsterdam, on remonte 2000 km au nord-est direction l'Estonie, à la découverte d'un de ses enfants de l'après URSS: Tomas Tammemets aka TOMM¥ €A$H. Autre style, autre ambiance, du weirdos à l'état pur sans fioriture: un simple skinny short comme couverture corporelle, une sacoche et des Crocs édition Balenciaga. La rencontre du bloc soviétique et du HipHop, d'une identité visuelle obsessionnelle et du dérangeant. C'est en quelques mots l'expérience Tommy Cash (parce qu'on parle bien d'une expérience, certainement bien plus complexe), avec pour finish, un visuel pornographique.

Die Antwoord parait bien pale à coté.

Woulah c'est pas de ma faute!

Ce paragraphe a été écrit en hommage aux éternelles victimes, ceux pour qui ce n'est jamais la faute: les victimes des problèmes techniques, les victimes de Régis de la régie, ou de la scène Redbull Elektropedia...

Si on met de coté le quart d'heure de retard habituel chez les starlettes américaines, le rappeur J.I.D a souffert (comme d'autres certainement) d'une attaque préméditée sur sa personne, par Régis le régisseur,  qui s'est encore endormi sur le bouton écho! Déterminé à faire son show, le petit gars d'Atlanta a du se résigner à écouter son public qui lui intimait d'arrêter son track. Certainement agacé, il n'aura pas donné entièrement de sa personne.
Dommage, j'attendais personnellement beaucoup de ce concert, qui a terminé 10 min en avance...

Dope Saint Jude, IAMDDB, Kaytranadatrois talents de la scène Hip-Hop, de Cape Town à Manchester en passant par Montreal, ces trois artistes représentent l'innovation et la pluridisciplinarité. Tantôt producer, tantôt rapper, tantôt DA, tous défendent l'étendard d'une black music contemporaine brisant les frontières de la nu-soul , de la trap et de l'electro bling bling mais point trop encore mainstream. C'est finalement l'essence même d'une musique noire qui s'est toujours voulue, en tout temps, rayonnante, visible et inspirée mais pas bafouée. La présence scénique est là, le public aussi, en réaction à chaque nouveau track lancé, mais il y a bien un mais...  Chacun de ces trois artistes (et d'autres encore) ont été la victime d'un voisin beaucoup trop bruyant: la REDBULL ELEKTROPEDIA! Pas une interlude sans le "boum boum dans les oreilles" du Balzaal, a tel point qu'on l'entendait parfois à l'opposé du site, aux portes de la Last Arena.
POUCE ROUGE!

Best in Class

Le talent c'est rarement ce qu'il manque dans un festival comme Dour "Que des numéro 10 dans ma Team". Mais le talent ne fait pas tout. Il y a les talents brut façon Ronaldinho et les travailleurs de talent façon Zidane. Deux écoles qui amènent à de bien différentes carrières (ou pas). Ce paragraphe est à la lumière des n°10 à la française. Des mecs qui ne laissent rien au hasards, même pas Régis le régisseur.

Laurent Garnier Richie Hawtin, ce genre d'anciens respecté et respectable parce que professionnel jusqu'au bout des potards. Début de set en avance, quelques minutes de rab à la fin, des regards vers le public, des moments de transcendances...  Bref des sets qui respirent l'amour sans faute.

L'avenir du rap britannique a un nom : Octavian aka Oliver Godji pour son matricule de naissance. Ce Franco-Anglais, né à Lille, adoubé par Monsieur Drake, replace la scène grime sur les radars de l'industrie hip-hop. Au bout de sa longue intro sur le track "Spaceman" en forme de manifeste, se posait une question à laquelle il a répondu tacitement en livrant au monde sa nouvelle poignée de titres : "Do you wanna build or bullshit ?". Le mec est là pour durer.

Quand on vient de la ville à 20 min de Dour, exceller à domicile est un devoir. A plus forte raison quand on est l'un des seuls groupe de la région et dernier résistant de la scène rock du festival, la défaite est interdite. Le groupe montois La Junglel'a bien saisi.  Le duo frénétique et déjanté, propose un rock hyper tribal et hypnotisant. Kraut technoïde, chamanisme pour le dancefloor. Uppercut et KO technique.

Attention vent de fraîcheur sur une prog "trapisante" ultra "testosteronée" L'enfant terrible du voguing parisien, le DJ, chanteur, styliste balançait en effet une sérieuse claque house et dance 90's en cloture du festival. "Fils d'immigré, noir et pédé". Résumer Pierre-Edouard Hanffou aka Kiddy Smile au T-Shirt provocateur qu'il arborait lors de son set, à l'Elysée, l'an dernier serait regrettable. Arrosée de sa sublime, sa prestation chantée s'accompagnait de deux choristes et de danseurs aux coiffures littéralement gonflées. De son "Movin' On Now" à une reprise de "Sing it back" de Moloko, l'artiste fan des productions et remix de Todd Terry soulevait la foule comme un seul homme. Dansez, maintenant!

Dour c'est aussi des marathons, des enchaînements d'artistes qui vous font taper du pied sur le même plancher pendant plusieurs heures. En cette fin de samedi, j'ai longtemps porté mes oreilles à la légendaire Petite Maison dans la Prairie (PMDP de son petit nom). Dans l'ordre: Demuja, Bicep, Mall Grab, ce qui se fait de mieux en house de nos jours (oui je m'engage là dessus). 4h30 de love, à la sauce Kerri Chandler, Glenn Underground ou My Bicep. Une intense douceur! On retiendra évidement les tracks "Do You Want My Love" et "Can't (Get U Outta My Mind)", qui ont fait s'élever les smiles au toit du chapiteau .

Faites demi-tour dés que possible

Une vie d'artiste c'est pas toujours évident on le sait. Exigeante et parfois chienne, la vie nous envoie le matin faire acte de présence...  physique, quand le talent ou le panache, eux sont restés bien au chaud dans le bus tour. Quand le paragraphe précédent faisait l'éloge du premier rang, ici on fera celui du dernier rang, des accoudés aux radiateurs, des ronfleurs du fond du bus. Bref on ne s'y attardera pas trop: Yung Gravy parce que Dour mérite mieux qu'un playback, Vald pour ses cernes qui en disent long sur sa performance, Schoolboy Q (remplaçant d'A$ap Rocky) pour ses interminables et gênants moments de blancs entre chaque tracks.

Dora l'exploratrice

« Dour est cool pour se perdre dans les dédales du festival et faire des découvertes », pour ce faire le meilleur moment est souvent l'après-midi. Aux heures où la programmation est moins ronflante mais non moins efficace. 14h-19h, ou le paradis des diggers, des oreilles les plus affûtés. Alors prend ton sac à dos et suis nous chipeur!

Les festivals sont souvent ornés de jeunes tatoués, réussis ou pas, là n'est pas la question. Mais à qui le prix du plus tatoué?
Coté artiste on a notre petite idée sur la question. Le dos, les bras, et même le bide tendance buveur de bières. Certains lui auraient bien baissé son futal pour vérifier s'il était aussi tatoué en haut qu'en bas. Sebastian Murphy, le chanteur des Viagra Boys a fait de son corps une toile. Une toile qu'il secoue ardemment en mode (post-) punk suédois. Besoin d'un petit remontant? Promis: ceci n'est pas du rock de maison de retraite.

C'est pas vraiment une réel découverte, mais faut dire qu'il en a scotché plus d'un à une heure pas si tardive (22h). Bien calé entre Dr Rubinstein et Paula Temple, I Hate Models, lui aussi producteur de techno, et de techno sombre, indus saturée, a réussi à se faire démarquer (chose pas évidente) dans ses ténèbres acidulés et "disharmonieux".

Lolo Zouaïencore une autre artiste que les anglo-saxons nous ont taxé à l'âge biberons. Une petite douceur Rnb franco-américaine, qui mélange l'anglais et le français dans une nonchalante mélancolie du jeudi fin de journée.

Dans la lignée neo-soul d'une Mahalia ou Dope Saint Jude, Amsterdam nous offre (encore) une fusée sorti de nul part en 2018, avec "Grace". Un passage chez COLOR et voilà Rimon bookée au Labo. La chanteuse d'origine érythréenne a oscillée avec douceur, avec une voix de celles qui font du bien (mais aussi de celle dont on sent le vécu), sur les écueils tendrement dancehall.

Lauréat du concours Court-Circuit 2018, Saudade est l'équation parfaite du groupe de festival. Un mélange de Soul, Pop et Rock Indie qui emprunte également des couleurs à l'électro et au Jazz.  Le Quatuor d'instrumentistes bruxellois, techniquement ultra doué, n'a pas hésité à emprunter de couleurs et d'influences à King Krule ou Tame Impala,…
Parfois un tantinet déroutant pour le spectateur non-initié. À l'image du nom du groupe, nom portugais qui n'a pas d'équivalent français mais qui exprime un sentiment complexe mêlant mélancolie, nostalgie et espoir. Trop d'originalité tue l'originalité ? Non, la prestance des artistes et leur bonne humeur communicative a conquis un Labo enjoué, qui s'est même surprise à danser.

De l'amour en barre donc, pour cette 31e édition du Dour Festival, qui nous aura encore consommée des points de vie, mais à quoi bon vivre longtemps si c'est pour se faire chier? Ce n'est pas les Casual Gabberz qui nous feront mentir ce lundi 3h du matin. Un finish aux abysses, plein de gratitude et de love pour tous ceux qui font ce festival: les bénévoles en tête, techniciens, organisateurs, partenaires et bien sûr le publique.

Merci!

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